lundi 9 avril 2012

Gorilles dans la brume... (2/2)

 La photo n'est pas de nous, on n'a pas eu le temps, mais c'était le même, un splendide gorille argenté, je vous raconte pas la peur que j'ai eue !
 Alors voilà. Je reprends le récit de notre trépidant voyage dans le Nord-Est, que j'ai coupé en deux parce que sinon, c'était trop long. Et pis, faut du suspense ma bonne dame ! Je vous ai gardé le meilleur pour la fin, la rencontre avec des gorilles !

Makokou
Tous les villages ressemblent à celui-ci
Pour arriver à Makokou, nous avons fait du taxi brousse, du covoiturage en quelque sorte. Il y a très peu de voitures, peu de bus, et c'est un frère et sa soeur de retour d'un mariage à Libreville qui nous prennent dans leur voiture, avec un bûcheron. Nous faisons près de 7 h de route avec eux, dans la bonne humeur, ils se chamaillent : la soeur pense être une meilleure conductrice que son frère, qui dit la même chose de lui. A un moment, ils s'arrêtent dans un village acheter "une viande" comme ils disent (tout animal est une viande !), en l'occurrence une cuisse de sanglier, suspendue sous un petit porche. Le prix ne convenait pas à notre conductrice qui s'est emportée. Le bûcheron lui en rentrant dans la voiture dira qu'on ne lui a même pas donné de l'eau, sans doute à cause de la transaction qui a mal tourné. "Maudit village !" disent-ils en choeur en repartant; on a été pris d'un fou rire ! l'impression d'être à une autre époque...
Gamins au bord de la route


Une jeune fille pensive sur un banc de Makokou (des buts gonflables installés pendant la Coupe d'Afrique)

La mission catholique de Makokou
 
Le lendemain de notre arrivée à Makokou, petite ville plongée dans la verdure, nous nous sommes rendus à la Mission Catholique, un endroit bucolique avec vue sur un lac, qui a deux chambres pour héberger des voyageurs. Nous étions venus la veille au soir, la chambre n'était pas faite, on nous avait dit de repasser le lendemain. Mais quand nous sommes arrivés, c'est pour nous entendre dire que seul le Père avait les clés de la chambre et qu'il officiait à un enterrement ! On a demandé aux gens de la réception où on pouvait laver notre linge en attendant, ils nous ont dit comme un seul homme : « Dans le lac ! »
Pour la première fois, Francesco était découragé : cela faisait beaucoup ! Moi je me suis activée au petit lavoir, comme les femmes des villages, retrouvant les gestes ancestraux de nos grands-mères ! Francesco a pris son bouquin, et m'a conseillé de ne pas rester les pieds dans l'eau tout de même, on ne sait jamais ce qui peut s'y trouver !!
En fait, on découvrira le lendemain qu'il y avait une super buanderie avec eau courante à la Mission, mais personne n'en avait les clés donc ils n'en ont pas parlé...enfin, pour le lien de causalité, c'est ce qu'on s'est dit pour qu'il y ait une logique ! Parfois il est inutile de chercher ici à comprendre le pourquoi du comment.

Le Parc d'Ivindo
L'après-midi, nous rencontrons Joseph qui est le conservateur du Parc d'Ivindo. Il dirige une trentaine d'hommes. Dans son bureau, il a des carabines confisquées, des défenses d'éléphants. En effet, il y a beaucoup de braconnage et beaucoup de trafic d'ivoire, toujours très prisée en Asie. C'est par milliers que sont tués les éléphants. Une défense, cela représente 50 euros au kilo, bref une fortune ici. On organise vite fait notre séjour au Parc.
Nous partons le lendemain, avec trois guides, sur une pirogue à moteur creusée dans un tronc d'arbre.
Nous mettrons 3 heures pour arriver au campement. La traversée est splendide. Il y a des petits rapides. On voit des oiseaux, des singes, des plantes d'eau, de grands arbres. Ça ressemble au paradis !


Nous sommes tout seuls dans le campement. Nous sommes logés dans une cabane toute neuve ; les autres commencent à moisir, l'humidité fait de sacrés ravages sur les habitations...
C'est là que les guides nous disent pas embarrassés du tout : « On a plus d'huile à pétrole pour les lampes. Vous avez une lampe torche ? » Super ! ç' aurait été bien de le dire avant, les gars !... Vous comprenez pourquoi on pense que le tourisme ne risque pas de se développer au Gabon ? Ça va qu'on est prévoyants : nous l'avions dans notre sac à dos, cette précieuse lampe torche... Eux-mêmes n'en avaient qu'une pour eux, et pas une seule bougie au cas où. La prévoyance n'existe pas ici, c'est ainsi. Dans le même ordre d'idée, le premier soir, ils nous serviront à manger comme si on était quatre (deux cuisses de poulet chacun, du riz, des bananes plantain délicieuses, on a pas pu tout finir tellement il y en avait !!), et le lendemain, on a eu au contraire un sandwich sec avec du maquereau en boîte. C'est ainsi.

Les cascades

On a adoré les cascades. Il faut dire que les chutes de Kangou sont les plus célèbres d'Afrique centrale !  Et encore, un ami qui est dans l'aviation nous a dit que les plus belles ne sont visibles que du ciel... L'une d'elle, en contrebas de notre camp, était notre salle de bain privée ! Ah oui, j'ai oublié de dire : on découvre en arrivant qu'il n'y a que des toilettes sèches et pas de douche prévue dans le tarif pourtant élévé; "c'est l'Afrique !", expression, je le précise, employée aussi par les Africains, quand quelque chose ne marche pas... Faut dire qu'on en a profité parce qu' on était tout seuls. Et on s'est pris pour Tarzan et Jane, nous lavant dans la cascade, Tchita en moins.  Mais pas pour longtemps...
Pas mal la salle de bain intégrée !
Rien de tel qu'un bon bain !


Gare au gorille !

Alors voilà le moment que vous attendez tous : notre rencontre avec les gorilles.
Après la balade pour voir les cascades, on avait une après-midi de libre. Francesco a alors proposé au guide d'aller en forêt à la recherche des animaux.... On n'a pas été déçus ! A la fin de la balade, Francesco a aperçu dans le fossé qui longeait notre chemin un gros boa immobile complètement lové. En fait il était en train de digérer (on voyait une nette protubérance) ce qui fait qu'il ne bougeait absolument pas. Le guide lui a jeté un bout de bois dessus pour que lentement il se déplace. C'est un beau morceau de 2 mètres de long !
Si les serpents ne m'impressionnent pas,  ce que j'ai vu après m'a vraiment marqué.

On allait rebrousser chemin (pourquoi est-ce toujours à ce moment-là que les choses se passent ??), quand Francesco a dit : " Allons jusqu'en haut de la butte pour voir au-delà". Arrivés en haut, le guide nous arrête d'un geste : "Des gorilles, là !" On ne voyait rien. On était accroupis, pas vraiment cachés puisqu'on était sur la route des Chinois. Ces derniers, très actifs en Afrique, comme partout ailleurs, avaient, il y a quelques années, le projet de construire un barrage électrique; mais le projet n'a pas été accepté, pour des raisons écologiques (il doit y avoir pour cela d'autres raisons moins consensuelles, mais on n'en parle pas). Et là, à trente mètres, je devine la forme de deux petites têtes dans les branchages. "Une mère et son petit". Jamais bon, ça, un petit. Les animaux veulent toujours le défendre... Je vois une main qui écarte les branches. Ouah, c'est émouvant : ils nous observent comme on les observe...
Vous ne voyez rien, et c'est normal. Les gorilles sont cachés derrière les buissons situés en plein milieu de la photo.

Tout à coup, quelques mètres plus près  de nous, un mâle surgit l'espace d'un instant : il sort de la forêt en sautant et y retourne d'un rebond ! J'ai pu voir tout son corps en extension, son torse argenté, et incroyablement musclé, la force à l'état brut !

Hélas, cet instant sublime se transforme aussitôt en frayeur car le guide nous dit alors : "Il est méchant !" Qu'est-ce que cela signifie "il est méchant" ? Qu'il va nous attaquer ?! Que doit-on faire ?! On ne sait rien. Le gorille dans la forêt pousse un hurlement super effrayant. Sur ce, la mère traverse avec son petit sur le dos, le guide dit à Francesco : "Filme !" Francesco, avec son polo rouge (excellente idée pour aller voir les animaux de la brousse !) se lève et ne voit rien. Moi, inquiète que le papa gorille refasse son apparition pour nous donner une bonne correction, je dis : "Bon on va peut-être y aller, là, c'est bon on les a vus !"

On se lève et on rebrousse chemin. Pendant que je me demande si le papa gorille ne nous suit pas, le guide (qui est un ancien chasseur, n'a jamais eu la moindre formation pour être guide, et n'est pas un grand psychologue ) a alors la riche idée de nous raconter tous les pires trucs sur les histoires de gorilles :
" Si tu t'enfuis, le gorille il t'attrape par les pieds, et il te déchiquette comme ça" ( en même temps, il mime le gorille qui t'attrape par les pieds et te déchiquette).
" Alors moi, au village, mon oncle (frère ou oncle ne veulent pas dire frère ou oncle comme chez nous, c'est des personnes du village), il s'est fait enlevé par un gorille. Mais la nuit le gorille s'est endormi, et quand le gorille dort, on peut faire tout ce qu'on veut; alors mon oncle, il s'est enfui....

Aussitôt, je me mis à penser à King Kong, sauf que la jeune femme enlevée, c'était moi !! On aurait ri de bon cœur s'il nous avait raconté tout ça le soir, à l'abri, au coin du feu de camp, mais là, avec le gorille juste derrière nous.... c'était juste flippant ! Moi j'étais en train de me dire : "Qu'est-ce que je fous là ? Pourquoi on va sur leur territoire ? Pourquoi faut-il qu'on vienne chercher les ennuis ??"
On cherchera après à en savoir davantage et à démêler le vrai du faux. Il est vrai que chaque année des touristes se font tuer paraît-il par une baffe de gorille.
J'étais en même temps heureuse d'avoir eu la chance de les voir, car c'est très rare.
Mais le soir-même, je dis à Francesco que la dernière balade, ça serait sans moi : j'avais la trouille !! Heureusement, le lendemain, mes craintes s'étaient évanouies...

La dernière balade s'est passée sans rencontre animale, à discuter avec nos guides. Ces anciens chasseurs ont beaucoup perdu avec l'avènement des parcs nationaux, car désormais la chasse y est interdite. Leur salaire de guide est dérisoire (la moitié du salaire minimum : 80.000 CFA, soit 70 euros), avec une petite prime quand viennent des touristes; désormais, il leur faut un mois de travail pour avoir cette somme qu'ils gagnaient en tuant deux sangliers. On comprend que le braconnage continue... Le pourboire que nous leur laisserons sera, selon leurs dires,  effectivement un "pour boire" : les hommes adorent les "jus" comme on dit ici, la bière, en  numéro un, et tous les sodas, qui coûtent très cher, le prix d'un plat, ce qui n'empêche hélas pas leur consommation, parfois préférée à la nourriture. L'alcool fait des ravages dans le monde entier chez les pauvres gens, les privant de l'essentiel, pour eux et leur famille. Et comme d'habitude, la somme astronomique de nos deux jours (600 euros pour nous deux, avec un confort tout relatif, vous l'aurez compris) dans le parc est destinée à payer... le gasoil pour la pirogue. Un comble pour un pays si riche en pétrole.


Le retour : panne bis, et rencontre providentielle
Gare routière de Makokou, 2h d'attente seulement
Après avoir attendu seulement deux heures le départ du bus (on s'habitue), c'est parti pour le retour pour la capitale. Le bus n'est pas de première jeunesse. Et quand le chauffeur s'arrête aux postes de police (présent à l'entrée de chaque bled), c'est Francesco, assis à côté de lui, qui met le pied sur le frein car il n'y a pas de frein à main ! On se sent en sécurité !

Nous avons expérimenté notre deuxième panne (la première étant dans la savane, près de Gamba, dans le sud, à Noël), après 4h de route sur la piste Makokou-Larara, sachant qu'il nous manquait encore 8h (au bas mot) pour arriver à Libreville. Cette fois-ci, ce n'était pas le radiateur qui fuyait, mais carrément la suspension qui a pété ! Quand on voit l'état de la route, l'âge du bus, son chargement excessif, son absence d'entretien, on ne pouvait pas s'en étonner. Il faut noter que les gens paient tout de même 17.000 CFA , soit 30 euros pour voyager dans de telles conditions !! Le chauffeur ne pouvait pas y faire grand-chose, mais il s'est quand même affairé.
Le coup de la panne (bis)- on était plus de 20 dans ce petit bus...
C'est alors que notre ange gardien est intervenu une fois de plus (il est très sollicité!), à peine 10 minutes après la panne, sous une forme plus qu'inattendue.
On venait de s'installer à l'ombre, nous préparant pour de longues heures d'attente, quand deux 4x4 sont passés. Moi je n'ai pas réagi mais les gens autour de nous nous ont dit : "Allez vous présenter, ce sont vos frères !" Nos frères, c'est-à-dire des Blancs ! Je ris encore à cette phrase en y repensant. 
Le deuxième 4x4 a fait marche arrière et en est sortie... la même famille de militaires que l'autre fois, à Noël, dans le sud près de la côte !!
"- Elle est où la caméra cachée ??!!"
 On a rigolé. Et on a remercié notre chance, car leurs amis avaient de la place derrière... ça nous a fait de la peine de planter tout le monde comme ça, mais bon, c'est ainsi, on n'allait pas rester là ! On est arrivés à 20 h à Libreville, tout fourbus. Je n'ose pas imaginer à quelle heure et dans quel état de fatigue ont bien pu arriver les autres passagers...

Voilà, le voyage à l'est du Gabon, c'est fini. Mon aventure aujourd'hui, depuis deux semaines, c'est mon nouveau boulot : je dois de trouver des clients étrangers expatriés (il y a ici des Brésiliens, des Américains, des Chinois, etc. ) pour mettre en place des cours de français pour le compte de l'Institut Français du Gabon. Bref, la vie civilisée quoi. Mais il m'arrive de repenser parfois à la brousse, et à mon gorille argenté et à sa petite famille, là-bas dans la forêt...

A plus !
Et pour vous souhaiter de Joyeuses Pâques, une pancarte... très inspirée à méditer!


5 commentaires:

  1. Hello Alex !
    Merci beaucoup beaucoup pour ces belles images et ces histoires ..... cela me donne vraiment l'impression d'entendre ta voix sur la pelouse au bord du quai de Bastille... c'est vraiment comme si vous étiez là, à côté !
    Et en même temps tes histoires sont si lointaines, uniques, de véritables aventures... et c'est ça qui est bien !!
    Profitez bien de tout, et dis-nous tout, on n'en perd pas une miette !
    Grosses bises à vous deux !
    Catherine

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  2. merci Alex, tu nous as fait attendre, mais ça valait la peine! vraiment merveilleux les paysages des cascades, photos super, j'ai adoré. Pour le serpent de deux mètres j'aurais eu une trouille d'enfer, meme s'il dormait et le gorille avec le torse argenté....rencontre à refléchir! sara

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  3. Super aventures, super photos, super textes. On s'y voit, on y est ...sans les trouilles !
    J'attends le prochain épisode !
    Marie-Cécile

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  4. Ooooooh, Alex ! Martine aurait eu si peur !!! Elle vous trouve bien courageux ! Et dire que son Monsieur veut l'emmener à la Lopé durant son séjour, là tout bientôt, puisqu'elle arrive ce samedi ! Heureusement, les gens disent qu'à la Lopé, on ne voit jamais oreille qui vive !!! Ouf ! On pourra peut-être se faire un coucou durant mon séjour à LBV ? Je te donne mon numéro : 04 54 31 82.
    A bientôt j'espère !

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  5. Salut Alex,

    Merci pour ce billet ! Vous avez eu de la chance de voir des gorilles...

    Sabine

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